La femme vertueuse a bien plus de valeur que les perles. Prov 31 :10

J’ai toujours apprécié et bénéficié de l’influence des femmes dans la société haïtienne. Elles élèvent la prochaine génération, parfois seules. De ce fait, elles sont bien placées pour inculquer des valeurs et principes, tels que le pardon et la réconciliation, de nature à transformer les habitudes de vie et à frayer la voie vers un meilleur avenir. De même, elles incarnent souvent des vertus telles que la sympathie, la compassion, la bienveillance, la modestie et le charme. De telles vertus favorisent la paix et l’équilibre social.

Néanmoins, l’apport des femmes va bien au-delà de ce cadre éthique. J’en veux pour preuve les qualités de courage, d’engagement, de service, d’attachement au travail, de générosité et de guide que ma mère exhibait tout au long de sa vie. J’ai appris d’elle à aspirer à ce qu’il y de meilleur parce qu’elle me traitait avec excellence. Elle m’a inspiré à servir avec spontanéité et joie parce qu’elle cherchait toujours une occasion de me servir et de servir son prochain. Dans des moments de danger, elle ne craignait pas pour sa vie et se trouvait toujours près de moi. Elle trouvait toujours la bonne méthode pour persuader mon père à accéder à mes requêtes.

Quand je considère le bel exemple de ma mère, je réalise la capacité des femmes à transformer la société haïtienne en s’affirmant comme agents de paix et porte-flambeaux du pardon et de la réconciliation. Elles peuvent certainement amplifier leur rôle de force de stabilisation sociale et de disséminatrice de compassion en vue de la transformation d’Haïti.

Gardiennes de l’espoir dans la société haïtienne

Bien plus que des observatrices ou victimes des turbulences de la société, les femmes haïtiennes peuvent être les artisanes du pardon et de la réconciliation face aux tumultes et des défis protéiformes. Leurs actions, souvent discrètes mais profondément influentes, peuvent projeter des rayons de lumière sur le chemin de la guérison et de la transformation du pays. Elles ont pour elles l’avantage du nombre, représentant plus de la moitié de la population, soit 52% environ.

De plus, si beaucoup d’hommes se targuent d’être la tête, les femmes font souvent fonction de cou qui fait tourner la tête. Elles peuvent devenir des Esther qui œuvrent à la délivrance de la nation, ou des Débora pour porter justice au sein de la société, ou encore des femmes sages qui ont le courage d’éloigner le désastre de leur communauté.  

Le leadership des femmes pour la réconciliation à travers le monde

La sociologue sud-africaine Chineze J. Onyejekwe a publié en 2005 un article éclairant : « Les femmes, la guerre, la consolidation de la paix et la reconstruction » dans la Revue Internationale des Sciences Sociales. Elle écrit : « Les femmes interviennent dans les domaines de l’éducation, de la production économique, de la sécurité et s’impliquent dans le militantisme politique ; ce faisant, elles acquièrent de nouvelles compétences et assument des responsabilités supplémentaires. Ainsi, les femmes ont négocié leur sécurité dans des zones de conflit en Colombie, elles ont assuré la médiation entre les parties belligérantes au Nagaland, en Inde, et ont aidé au retour des enfants soldats en Ouganda. Dans le domaine très sensible de la justice transitionnelle, les femmes jouent également un rôle majeur. En Bosnie, au sein des communautés, elles sont les premières à faire des tentatives de réconciliation et à revenir. Au Rwanda également, des femmes ont pris l’initiative des efforts de réconciliation aux niveaux local et national. »

Le rôle central des femmes dans rétablissement et le maintien de la paix

L’ONU, à travers son entité UN Women (ONU Femmes), ainsi que d’autres organisations telles que l’Institut pour l’économie et la paix (Institute for Economics and Peace) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ont mené des recherches sur le rôle des femmes dans la consolidation de la paix.

Ces recherches mettent souvent en évidence les compétences et les caractéristiques distinctes que les femmes apportent aux processus de paix, notamment leur capacité à favoriser l’inclusion, la tolérance et la compréhension mutuelle. Les femmes ont tendance à adopter des approches plus inclusives et collaboratives dans la résolution des conflits, ce qui peut conduire à des solutions plus durables et à une paix plus durable.

Dans divers contextes nationaux et régionaux, les initiatives dirigées par des femmes ont démontré leur efficacité dans la réduction des tensions, la promotion du dialogue intercommunautaire et la construction de ponts entre les parties en conflit. Ces réussites soulignent l’importance de l’engagement des femmes dans les processus de consolidation de la paix.

Hérauts de la paix

Il découle de ces expériences internationales que les femmes haïtiennes peuvent être les architectes de l’avenir, bâtissant des ponts là où il y avait des fossés et ouvrant des portes là où il y avait des murs. Leur leadership visionnaire et leur engagement envers la justice sociale sont les fondations sur lesquelles reposent les aspirations des Haïtiens.

Leur capacité à écouter, à compatir et à pardonner est une source d’inspiration pour tous ceux qui aspirent à un avenir meilleur pour Haïti, et fait d’elles de potentiels hérauts de la paix. Elles comprennent intuitivement que le pardon et la réconciliation en Haïti sont des actes de libération, non seulement pour ceux qui sont pardonnés, mais aussi pour ceux qui pardonnent.

Promotion du dialogue et de la médiation

Les femmes haïtiennes ont démontré agi en tant que médiatrices dans les conflits familiaux, communautaires et politiques. Leur capacité à écouter attentivement, à empathiser et à trouver des solutions pacifiques a été essentielle pour surmonter les tensions et les divisions. Leur rôle en tant qu’éducatrices, mères et gardiennes des traditions a contribué à façonner une culture de réconciliation au sein de la société haïtienne.

Elles ont également fourni un leadership de qualité dans des circonstances difficiles. Par exemple, en 1990, la juriste Ertha Pascal Trouillot est devenue la première femme Présidente d’Haïti. Elle a assuré une transition politique réussie et a contribué à l’époque à sauvegarder la paix et la stabilité du pays.

Hommage aux femmes à succès

Le 6 mars 2020, à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme, la Banque Mondiale s’est fait l’écho de la voix des femmes haïtiennes. Elle a dressé un beau tableau des femmes à succès en Haïti, dont Myrtha Vildon, propriétaire des Industries Glory, la seule compagnie de confection de papier toilette en Haiti, Dr Yolène Suréna, spécialiste dans la gestion des risques et des désastres, et Rosemène Normil, spécialiste en éducation de qualité.

Cet échantillon signale le potentiel des femmes haïtiennes engagées à exercer un impact significatif pour la transformation de la société et la prédominance du pardon et de la réconciliation pour la paix en Haïti

Conclusion : Vers un avenir de paix et de réconciliation

En fin de compte, les femmes haïtiennes sont bien plus que de simples actrices dans le récit du pardon et de la réconciliation en Haïti. Elles sont les narratrices de l’histoire, celles qui transmettent les leçons du passé et guident le chemin vers un avenir meilleur. Leur courage, leur compassion et leur détermination sont le socle sur lequel repose l’espoir d’une nation en quête de guérison et de transformation. Elles sont les véritables artisanes du pardon et de la réconciliation en Haïti. Leur leadership visionnaire, leur compassion infinie et leur engagement envers un avenir meilleur sont une source d’inspiration pour tous ceux qui aspirent à un monde où la paix et la justice règnent en maître. Puissent leurs actions continuer à illuminer le chemin vers une Haïti plus forte, plus unie et plus résiliente pour les générations à venir.

Jean Ricot Dormeus, Coordonnateur du Mouvement de Prière pour Haïti (MPH)